[BG] Fanila

Comme une ombre, la jeune fille passa derrière la maison. Personne ne l'avait vue, habillée de la même couleur que le paysage qui l'entoure.
"Alors c'est ici, se dit-elle, voilà la ville dont Nina et Ygernia me parlaient..."
Elle se souvenait des récit de sa protectrice, lui parlant de l'agitation de la ville, de la foule qui grouillait, d'aventuriers en armes et armures que lui décrivait Ygernia dans ses récits passionnés.
"Eh bien voilà, c'est le moment..."
Elle cherchait des yeux une personne. Billou, de son prénom, devait se trouver là. Une missive lui était parvenue de la part de Ygernia pour la prévenir du rendez-vous. Elle scruta chaque visage, et l'un deux attira son attention. Elle reconnu aussi la cape unique de cette guilde, marqué d'un crâne noir, défiant celui qui posait ses yeux dessus. Rejetant en arrière sa capuche, Fanila avanca d'un pas décidé au milieu de la place de la ville.
-Messire Billou? se hasarda la jeune fille
-Oui? Il se retourna lentement. Hmm, tu dois être Fanila, n'est-ce pas?
-Euh... ou... oui, c'est moi... Vous m'attendiez?
-En fait, depuis quelque temps, mais cela n'est rien...
Le visage de son interlocuteur prit une expression grave et inspirée. La jeune moniale eut l'impression qu'il pouvait lire au plus profond de son âme. Elle se sentit mal à l'aise.
-Bien, comme me l'a dit ta protectrice, nous nous attendions à ce que tu cherches à nous rencontrer. Ygernia t'a précédée, et elle m'a parlé en bref de toi. Et je crois que ce qu'elle a avancé est vrai...
-Oh non, il ne faut pas croire ce qu'elle a pu vous dire, je suis sûre qu'elle a éxagérer ses propos, dit-elle timidement. Elle a toujour l'habitude de me surestimer...
-Tss tss tss, laisse-moi en juger par la suite, veux-tu? Un sourire bienveillant éclaira le visage de Billou. Pour l'instant, nous attendons quelqu'un d'autre. Je pense qu'il va arriver très vite et...
Billou fut interrompu par une tape magistrale sur son épaule qui le fit chanceler. Un visage souriant surgit de derrière lui.
-Salut la compagnie! M'zelle, bien le bonjour! Samsam fit une courbette élégante. Alors c'est toi la nouvelle? Bon, on fait ça assez vite, j'ai pas beaucoup de temps, c'est que j'ai à faire moi!
-Heu... b'jour messire, je peux savoir qui...
-Mais bien-sûr mon ange, moi c'est Samsam, et je suis là pour te faire entrer chez nous, c'est bien pour ça qu't'es là non? Bon, allez... Le moine ciquantenaire chercha dans son sac un parchemin. Voilà, attends je vais m'appuyer par ici pour écrire. Alors c'est comment encore ton p'tit nom???
-Ben, heu... Fanila!
-Ok, c'est noté, je m'occuperais de remplir le registre de la guilde plus tard, et bienvenue chez nous. Allez, j'vous laisse!
Samsam lanca une cinq pièces d'argent au palfrenier et bondit sur le premier cheval qu'il vit.
-Non mais ça va aller sale rustre! Keskecé que ces manières! cria le lurikeen qui tentait de monter de l'autre côté, rouge de colère.
-Tiens crevette, et prends le prochain! répliqua malicieusement Samsam en balançant cinq autres pièces d'argent vers le petit être colérique.
Fanila n'en croyait pas ses yeux.
-Celui-là, quel farceur! dit légèrement Billou. Tu verras, il est bien moins mal élevé que ses propos. Maintenant que tu es acceptée chez nous, dis moi en un peu plus sur toi...
Alors Fanila s'assit contre le poteau de la tente du forgeron d'Emblème, et raconta son histoire.
Elle raconta comment elle fut confiée aux soins des hommes saints de la capitale de son pays, Albion. Elle raconta ce que lui avaient dit les moines, que son village n'avais pas résisté à l'assaut des Golems de la frontière nord, et qu'elle avait été séparée de ses parents pendant l'attaque. Elle raconta les flammes, les hurlements bestiaux de ces créatures qui crépitaient sous les projectiles enflammés qui explosaient. les chairs infectes des cadavres fumants et grésillants. Elle raconta comment, dans la bousculade, elle avait laché la main de sa mère et avait été emportée loin d'elle, séparées par le bétail fou qui tentait de fuir. Elle raconta enfin comment elle fut soulevée du sol, à demi consciente, par une forme humaine dont les mains ressemblaient à des brandons enflammés. Elle raconta ensuite qu'à son réveil, une jeune femme au visage doux était penchée sur elle, essuyant son front avec le pan humide de sa robe. Elle raconta comment elles se rendirent rapidement à la Grande Ville, et qu'elle avait été confiée aux bons soins des moines locaux pour panser ses blessures.
Elle marqua une temps, puis continua:
-Ygernia revint me voir souvent, et demandait par lettre aux moines de mes nouvelles régulièrement. Elle m'a conseillé de suivre leurs enseignements, et de me former au combat. J'étais jeune, mais boulversée par la destruction de mon village. Et plus je grandissais, plus l'envie de comprendre et de vengeance grandissait. Les moines m'ont appris à canaliser ma rage et ma fougue. Je fus sacrée moniale, Défendeur de la Lumière d'Amtenaël. Mais je vis bien vite que les valeurs que l'on m'avait enseignées étaient bafouées... Combien de fois ne vis-je pas mes pairs fréquenter les tavernes, ressortir avec une femme sous chaque bras. C'est pour ça que je suis partie, à l'aventure, et Ygernia a continué de m'aider jusqu'à aujourd'hui, ou je me suis ralliée à votre cause. Je n'ai ni maître ni joug, et je ne cherche que ma satisfaction personnelle. J'ai appris à manier mon bâton plus que le verbe, et à en croire ma protectrice, je trouverais ma voie parmi vous.
Billou scruta le visage de la jeune moniale, et lut dans ses yeux toute la tristesse et le poids du passé.
-Te voilà chez toi ici, sois sûre que nous nous occuperons de toi.
Fanila soupira. Billou, satisfait, la regardait d'un air presque paternel
La suite, beaucoup la connaissent. Elle rencontra nombre de gens, perdit des amis, en trouva d'autres. Mais sa plus grande perte fut l'élu de son coeur. Maître d'Armes, force de la nature, joie de son coeur, amour de sa vie. Lorsqu'elle le voyait, elle perdait pied, et le monde vacillait lorsqu'il était près d'elle. Hélas, comme si le sort s'acharnait sur elle, elle le perdit aussi... "Lawrence, Lawrence, toi aussi, tu as disparu. Ô mon âme, la mort nous réunira un jour dans son sombre linceul, puisse le Destin m'être assez clément pour te revoir avant. Ce vide sera toujours présent dans mon coeur..." La forêt entendait souvent ces murmures, et la terre ne cessait de recueillir ses larmes. L'espoir subsistait, mais la souffrance l'occultait.
Le vieil homme s'arrêta de parler. Ses yeux vagabondaient au loin, se perdaient à l'horizon. L'auditoire, pendu à ses lèvres, ressenti la peine qu'il éprouvait. Des femmes tentaient de réprimer des sanglots, et les hommes avaient l'air grave.
Au loin, dans la forêt, une ombre encapuchonnée avançait entre les arbres, un bâton dans la main droite dont les bouts ferrés luisaient à chaque rayon de soleil qui perçait la voûte des grands chênes. Elle lanca un sort, et une auréole se matérialisa au dessus de sa tête, et une barrière protectrice enveloppa la moniale.
"A nous deux, sale bête, que la Lumière d'Amtenaël guide mes pas!"